La 88ème réunion du Comité exécutif de la FIA s’est tenue, pour la première fois dans l’histoire de notre fédération, à Auckland, en Nouvelle-Zélande, le 3 et 4 octobre 2024. Le choix de cette destination n’était pas anodin. Depuis le début des années 2000, Equity New Zealand, le syndicat des acteur·rice·s dans ce pays, a entrepris un travail intense de restructuration, en étroite collaboration avec notre affilié australien ainsi qu’avec d’autres syndicats membres de la FIA qui se sont portés volontaires pour lui venir en aide. Il était en effet évident pour tous que la Nouvelle-Zélande était en passe de devenir un lieu privilégié de tournage pour de grandes productions internationales, et qu’il n’était pas concevable que les artistes-interprètes de ce pays ne puissent pas bénéficier de conditions de travail équitables, à l’instar de celles et ceux engagé·e·s par ces mêmes productions dans d’autres pays, bénéficiant largement des acquis de la négociation collective. Ce long travail, mené avec détermination et abnégation par une direction visionnaire, a été remarquable. Durement mise à l’épreuve lors d’un conflit social en 2010 autour du tournage du Hobbit, en raison d’une scandaleuse différence de traitement entre les membres du casting néo-zélandais et celles et ceux recruté·e·s à l’étranger, sa résilience a été exemplaire tout au long de cette action, ainsi que durant les années qui ont suivi, marquées par des changements législatifs visant à interdire toute possibilité de négociation collective pour les artistes-interprètes néo-zélandais et à les empêcher de se faire reconnaitre comme des travailleur·se·s subordonné·e·s.
Aujourd’hui, le syndicat des acteur·rice·s de Nouvelle-Zélande s’est imposé comme l’un des plus représentatifs du secteur des arts et du spectacle dans son pays, parvenant également à trouver des solutions ouvrant la voie au dialogue social pour les artistes qu’il représente, désormais considéré·e·s comme des travailleur·se·s indépendant·e·s. Ayant déjà négocié les premières conventions collectives de son histoire avec plusieurs théâtres en Nouvelle-Zélande, il se prépare maintenant à négocier les conditions de travail et de rémunération minimales dans le secteur de la production cinématographique et audiovisuelle.
C’est donc à la fois en reconnaissance de ce travail dévoué, mais aussi pour encourager les membres d’Equity New Zealand et les rassurer sur leur lien étroit avec notre communauté syndicale malgré leur distance géographique, que la FIA a décidé de se réunir à Auckland.
Avec un taux de participation remarquable, le Comité exécutif de la FIA s’est penché sur des questions statutaires ainsi que sur l’organisation du prochain Congrès mondial de la FIA, qui se tiendra à Birmingham, au Royaume-Uni, du 9 au 15 novembre 2025. La réunion a permis de passer en revue le travail accompli par de nombreux groupes de travail en matière d’égalité raciale, de diversité ethnique, de handicap, d’égalité de genre, de lutte contre le harcèlement, des droits des artistes LGBTQI+, de négociation collective dans le domaine de la production publicitaire, ainsi que d’apprécier les efforts pour encourager le renouvellement générationnel au sein des syndicats membres de la Fédération et inciter les jeunes à participer activement aux réflexions et aux actions de la FIA. Un panel extrêmement enrichissant a permis d’examiner les stratégies syndicales pour protéger la voix des artistes contre l’exploitation non autorisée par l’IA générative. Les efforts et principaux aboutissements de nombreux syndicats, notamment aux États-Unis (SAG-AFTRA), au Royaume-Uni (Equity), en Turquie (AUT), en France (SFA) et au Mexique (ANDA), ont été présentés en détail, suscitant beaucoup d’intérêt et servant d’inspiration pour tous les autres affiliés confrontés aux défis majeurs posés par ces technologies, particulièrement avancées dans le domaine de la voix.
L’essor des plateformes de casting en ligne a également été un sujet de discussion et d’échanges fructueux. De nombreux syndicats de la FIA représentés au Comité exécutif ont engagé des efforts considérables pour contrer des pratiques non éthiques et agressives dans ce milieu, qui connaît une forte expansion et concentration. Ces plateformes agissent comme de véritables entonnoirs vers l’emploi, monopolisant l’accès des jeunes artistes aux directeur·rice·s de casting, pratiquant des politiques de listing douteuses et exigeant des contributions de plus en plus onéreuses pour espérer être repéré·e·s (de véritables « taxes sur l’espoir »). Ces pratiques sont particulièrement discriminatoires pour les jeunes talents et d’autres catégories d’artistes-interprètes vulnérables, déjà affaiblis par une longue pandémie et l’augmentation vertigineuse du coût de la vie qui s’en est suivie.
Le Comité exécutif s’est également penché sur l’impact à long terme de la pandémie sur la production théâtrale et le spectacle vivant. Dans de nombreux pays, le public n’est toujours pas revenu aux niveaux d’avant la pandémie, tandis qu’on observe une baisse des financements publics et des donations philanthropiques. Cette situation a conduit à une réduction des opportunités d’emploi pour les artistes, qui se sont vu·e·s contraint·e·s de se tourner vers d’autres sources de revenus, compromettant ainsi leurs compétences et affectant indirectement les ressources des syndicats. Lors d’un troisième panel, les intervenant·e·s ont passé en revue ces tendances et les stratégies adoptées par les syndicats pour répondre à ces défis. Alors que certains d’entre eux ont réussi à maintenir ou à augmenter leurs effectifs en offrant des aides aux artistes, d’autres ont dû adapter leur structure organisationnelle face à des pertes de revenus causées par des licenciements ou le chômage. L’impact de la pandémie a eu des répercussions sur le personnel des syndicats, provoquant une augmentation du stress et de l’épuisement professionnel. Les intervenant·e·s ont souligné l’importance de maintenir un soutien adéquat pour leurs employé·e·s, dont la charge de travail s’est alourdie en raison des défis administratifs accrus. La discussion a aussi mis en exergue la nécessité d’étendre les couvertures de négociation collective pour soutenir les travailleur·se·s dans les domaines d’emploi les plus vulnérables, en particulier celles et ceux ayant un statut d’indépendant, dans un environnement politique et économique difficile.
En conclusion de cette réunion, une table ronde a permis de partager avec les membres du syndicat néo-zélandais, qui se préparent à négocier des conditions de travail et de rémunération minimales dans le secteur audiovisuel, les principaux modèles syndicaux pour rémunérer les artistes interprètes dans le streaming. La discussion a également porté sur leurs origines ainsi que sur les stratégies permettant de continuer à les faire évoluer pour qu’ils deviennent de plus en plus performants, face à la baisse des revenus provenant des modes d’exploitation des contenus plus traditionnels, aux transformations engendrées par la SVOD sur la production et la distribution des contenus, et à l’impact de ces changements sur l’emploi des artistes.
Le Comité exécutif de la FIA a approuvé cinq résolutions, toutes adoptées sans opposition. Celles-ci portent respectivement sur : le soutien aux artistes danois confronté·e·s aux pratiques agressives du distributeur de télévision danois YouSee/Nuuday, qui refuse de payer les droits d’exploitation ; le soutien au syndicat des acteurs estoniens dans sa lutte contre les propositions de réduction du financement public du secteur culturel ; le soutien à la grève de SAG-AFTRA contre les principales sociétés de jeux vidéo interactifs ; l’appui à la plainte déposée par de nombreuses fédérations syndicales sectorielles, ainsi que par la CIS, contre le gouvernement de l’État d’Israël pour violation de la Convention n° 95 de l’OIT et le non-paiement des salaires de plus de 200 000 travailleur·se·s palestinien·ne·s; et enfin, un appel à la libération de plusieurs artistes israélien·ne·s et palestinien·ne·s emprisonné·e·s pour des raisons politiques.
– Résolution du CE de la FIA soutenant DSF contre YouSee
– Résolution de la FIA CE soutenant la grève de la SAG-AFTRA
– Résolution de la FIA CE soutenant la requête de l’OIT
– Résolution de la FIA CE contre la proposition de réduction du budget culturel en Estonie