Depuis plusieurs années, la FIA fournit des conseils stratégiques aux membres affiliés au Maroc et en Afrique du Sud dans le but de renforcer la représentation syndicale des artistes interprètes dans ces pays. Les artistes interprètes du continent africain sont sans doute parmi les moins protégés, malgré un paysage culturel extrêmement prolifique et diversifié. Le secteur des arts, des médias et du divertissement est structurellement fragile, il repose fortement sur un financement public (limité) et se construit sur des relations de travail informelles. De nombreux projets sont autogérés et de courte durée, et les artistes interprètes se retrouvent à racler les fonds de tiroir. Lorsque la production semble être plus ordonnée, avec des rôles et des responsabilités clairement définis, les artistes interprètes sont invités à accepter la précarité comme condition sine qua none pour exercer leur art. En l’absence de statut clairement défini, ils n’ont pas accès aux droits du travail et droits sociaux fondamentaux accordés à la plupart des autres travailleurs et, lorsqu’ils sont considérés comme des "travailleurs indépendants", sont empêchés de négocier collectivement des conditions minimales par des politiques antitrust destinées au monde de l’entreprise ; ignorant de ce fait les normes et principes internationaux de l’OIT.
L’engagement ciblé de la FIA en Afrique est un choix délibéré. Les ressources étant limitées, nous avons choisi de donner la priorité aux pays où la sensibilisation et la détermination pourraient s’épanouir dans la durabilité. Avec le soutien financier de « Union To Union » en Suède, nous avons donc développé une coopération fructueuse avec la Guilde des acteurs sud-africains (SAGA) et le Syndicat marocain des professionnels des arts dramatiques (SMPAD), qui, à ce jour, a produit des résultats très prometteurs.
En 2018, nous avons continué à fournir des conseils concernant la réforme en cours du droit d’auteur qui devrait aboutir cette année, notamment des droits de propriété intellectuelle révolutionnaires pour les artistes interprètes de l’audiovisuel. Vers la fin de l’année dernière, le Comité du portefeuille du commerce et de l’industrie du Parlement sud-africain a adopté deux projets de loi distincts qui ont ensuite été soumis à l’Assemblée nationale pour approbation.
Cette réforme devrait permettre à l’Afrique du Sud de finalement adhérer au Traité de Beijing de l’OMPI et aux acteurs du pays de mieux monétiser l’utilisation de leurs travaux, y compris dans l’environnement digital. L’accent mis par le projet sur la gestion collective a donc été très opportun, car deux représentants de haut niveau de SAGA se sont vu offrir un aperçu de première main des sociétés de gestion collective des artistes interprètes au Royaume-Uni, en Suède et au Danemark. Cette expérience immersive leur a permis d’appréhender les analogies structurelles et opérationnelles et les différences entre ces différents modèles, en vue de développer les leurs en Afrique du Sud. Les sociétés de gestion collective sont un outil essentiel pour percevoir la rémunération due aux artistes-interprètes, par contrat ou par la loi, et la verser aux ayants droit légitimes. Dans la plupart des pays, les sociétés de gestion collective des artistes interprètes ont été traditionnellement créées par les syndicats. Il est donc tout naturel que SAGA, en tant que représentant des acteurs sud-africains, cherche à incorporer une société de gestion, le moment venu, afin de s’assurer que gestion des droits est organisée efficacement.
La deuxième partie de notre projet 2018 consistait en un séminaire de deux jours à Johannesburg, axé sur le statut professionnel des acteurs du monde entier et en Afrique du Sud, ainsi que sur le harcèlement sexuel. Des délégués du Canada, des États-Unis, de la Suède et de la Belgique se sont associés à des experts sud-africains pour examiner différents exemples nationaux et explorer la relation entre le statut d’entrepreneur indépendant, les droits fondamentaux du travail et la réglementation antitrust. Une recherche universitaire de haut niveau, financée par le projet, explore le statut d’indépendant des acteurs en Afrique du Sud, dans le but de suggérer des orientations politiques pour améliorer l’accès aux droits sociaux et aux droits du travail fondamentaux. Les prémisses de cette recherche, qui devrait s’achever fin 2019, ont été présentées au séminaire et discutées de manière très détaillée. L’étude devrait grandement aider SAGA dans ses futurs travaux de plaidoyer. Également à Johannesburg, différents experts syndicaux internationaux ont partagé les bonnes pratiques en matière de lutte contre le harcèlement sexuel dans l’industrie du divertissement. Celles-ci permettant de nourrir les initiatives déjà prises en Afrique du Sud, en coopération avec SAGA, pour promouvoir des environnements de travail plus sûrs ainsi que l’égalité dans l’industrie du film et de la télévision. Les producteurs de films ont accepté d’intégrer une nouvelle politique sur le harcèlement sexuel dans tous les nouveaux contrats standard, tandis que les radiodiffuseurs du pays ont accepté de collaborer avec SAGA et d’autres parties prenantes pour améliorer la sécurité des acteurs sur tous les sites de production. L’atelier de Johannesburg a également été une occasion remarquable de sensibiliser la communauté des artistes interprètes aux pratiques inacceptables et prédatrices de l’industrie, notamment en diffusant en direct divers témoignages et interventions sur les réseaux sociaux.
Le projet de la FIA en 2019 sera axé sur le Maroc, où la loi-cadre sur le statut de l’artiste récemment approuvée devrait, entre autres choses, prévoir des prestations de sécurité sociale et de retraite pour les artistes, adaptées à la nature intermittente de leur travail.