Cette conférence, accueillie par Equity et SIPTU à Dublin, a eu lieu à la mi-février de cette année dans un lieu charmant et chargé d’histoire dans le centre-ville : le centre de conférence de la Communications’ Workers Union. La centaine de délégués présents ignorait que ceci serait le dernier rassemblement de membres de la FIA et des organisations sœurs FIM, UNI MEI et EFJ avant un certain temps. En effet, le seul nuage à l’horizon de cet évènement était la tempête Ciara, qui a fait rage en Ireland et au Royaume Uni les jours précédents la réunion et qui a rendu les voyages à Dublin difficiles. On ne se doutait pas encore de l’arrivée imminente de la tempête bien plus importante Covid 19, qui dévastera peu après le secteur et le monde. Pourtant l’intérêt porté à la syndicalisation et à la représentation de la main œuvre vulnérable que représentent les freelances est tombé à point nommé. Malgré le temps orageux, les participants étaient nombreux et l’énergie positive pour cet évènement, qui clôturait le projet européen « Atteindre le véritable potentiel du dialogue social pour tous les travailleurs ». Ce projet qui a démarré début 2018 était financé par la Commission européenne sous la ligne budgétaire Information et Mesures de Formation pour les Organisations de Travailleurs. Cet évènement de clôture avait pour objectif d’offrir une restitution complète du travail fait, et des nombreuses excellentes ressources rassemblées et développées durant le projet, ainsi que d’être un forum de discussion quant aux prochaines étapes de ce travail, que les fédérations souhaitent continuer.
La conférence a eu le plaisir d’accueillir Patricia King, Secrétaire générale de ICTU qui a ouvert la journée. Dans son mémorable discours d’ouverture, elle a rappelé la longue campagne en Irlande pour restaurer la négociation collective pour les artistes de voice-over, les musiciens et journalistes indépendants ; campagne qui a culminé avec la Loi modificatrice sur la concurrence en 2017. Elle a encouragé les syndicats présents à prendre au sérieux le besoin de syndicalisation et a rappelé le rôle vital de la négociation collective. Elle les a invités à faire face ensemble de façon positive en disant : « il n’y a pas de doute sur le fait qu’il s’agisse du principal défi pour notre mouvement sur l’ensemble du continent. Il n’y a pas de place pour le découragement. »
La session du matin incluait également une intervention de l’expert légal le Professeur Nicola Countouris de UCL, qui grâce à son discours très instructif a présenté aux délégués tous les aspects des délibérations du groupe d’experts légaux du projet. Il a détaillé l’approche théorique de la relation personnelle de travail et la résonance particulière que cela avait pour les travailleurs du secteur des médias, des arts et du spectacle. Deux panels de discussion animés ont suivi. Le premier examinait la question de la négociation collective pour les indépendants et était co-modéré par l’assistant Professeur Victoria Daskalova de l’Université Twente, spécialiste du droit de la concurrence, et la Sénatrice irlandaise Ivana Bacik, la responsable politique qui a porté la Loi modificatrice de la concurrence en 2017 en Irlande. Les obstacles et défis, ainsi que les opportunités, ont été débattus par les panélistes, Anna Vernet, Directrice de l’Unité de mise en application, de la DG concurrence ; Andrea Garnero, économiste du marché du travail, OCDE ; Marie Lagarrigue, cheffe d’unité adjointe, DG Emploi ; et Xavier Beaudonnet, Département des normes internationales du travail, OIT.
Deux intervenants principaux ont suivi. Lord John Hendy, QC, a présenté aux délégués l’argumentation vitale faite lors de la plainte ICTU vs Irlande soumis au Comité européen des droits sociaux et au Conseil de l’Europe et les clarifications précieuses qui en ont émergé lors du jugement fin 2018. Le Professeur Evert Verhulp de l’Université d’Amsterdam a présenté aux délégués les approches actuelles concernant la négociation collective pour les travailleurs freelances aux Pays-Bas, à la suite de la décision FNV KIEM. Il a également évoqué une nouvelle prise de conscience du besoin d’améliorer les conditions de travail dans le secteur culturel et créatif pour garantir sa durabilité et sa qualité.
Le second panel de la journée a examiné attentivement la classification des travailleurs sectoriels d’un point de vue fiscal et de sécurité sociale et comment ceci évolue. Intitulé « Le défi d’une régulation juste des travailleurs indépendants dans le secteur des médias, de l’art et du spectacle : les perspectives irlandaise, néerlandaise et européenne » et présidé par Martin Risak de l’Université de Vienne et par Karan O’Loughlin de SIPTU, Irlande, ce panel a donné la parole à des décideurs de haut niveau en Irlande et au Pays-Bas et complété la discussion avec un aperçu européen plus général fourni par la Confédération Européenne des Syndicats. Les intervenants étaient Katie Schreider, Ministère néerlandais de l’Education, de la culture et de la science ; Tom Kiely, Office of the Revenue Commissioners, Irlande ; Mary Nash, Département des Arts et de la Culture du Gaeltacht ; et Ludovic Voet, Secrétaire confédéral de la CES. Cette section de l’agenda centrée sur les aspects légaux et politiques a été clôturée par le discours de Joerg Tagger, Directeur de l’unité du Dialogue social. Mr Tagger a noté qu’il était appréciable de voir les résultats des financements supervisés par son unité et a attiré l’attention des délégués sur le programme social ambitieux de la nouvelle Commission. Il les a encouragés à assumer pleinement leur rôle de partenaires sociaux dans sa mise en œuvre.
La conférence a ensuite réorienté son attention vers le deuxième aspect du projet, la formation des neuf syndicats en matière de recrutement de membres et d’organisation. Les trois formatrices du projet Kate Elliott, Becky Wright et Tara O’Dowd ont chacune modéré un panel avec leurs trois syndicats. Les formatrices ont présenté leur approche et méthodologie, ainsi que leurs réflexions suite à cette expérience. Les syndicats se sont exprimés sur la signification de leur participation, la façon dont celle-ci a impacté le travail du syndicat et les résultats qu’elle a délivré. Tous ont évoqué un engagement renouvelé pour le recrutement de membres et une sensibilisation quant au potentiel d’une telle action. Certains syndicats avaient déjà mis en œuvre des actions et avaient même constaté une importante augmentation du nombre de leurs membres. Tous ont perçu l’expérience comme enrichissante et fructueuse, et étaient déterminés à continuer le travail commencé avec les formatrices. Les divers retours, photos et vidéos des différentes expériences ont donné aux délégués un bon aperçu de l’expérience et a donné lieu à un débat animé dans la salle. La discussion a continué le lendemain, lors de séances de groupe avec chaque formatrice, offrant aux syndicats participants l’espace pour une réflexion plus profonde et des échanges sur le défi représenté par la syndicalisation, en particulier en ce qui concerne les travailleurs atypiques. L’expérience de la formation sera également capturée dans la publication du projet « Manuel sur la syndicalisation dans le secteur des médias, des arts et du spectacle ». Ce dernier sera publié au printemps en anglais, français, espagnol, portugais et allemand. Il est en phase finale de préparation.
La session finale de la journée était un échange franc guidé par les secrétariats des quatre fédérations partenaires du projet. Elle a exploré les prochaines étapes de ce travail et la façon de maintenir l’élan en ce qui concerne la discussion sur la négociation collective pour les travailleurs indépendants et la façon de continuer d’apporter une valeur ajoutée aux efforts des syndicats dans ce domaine. De nombreuses idées ont été discutées et la réunion s’est clôturée sur une décision ferme de continuer le travail conjoint dans ce domaine.