Article en ligne de K.J. Yossman
Près de 90 % des travailleur·euses du secteur de l’audiovisuel et du spectacle vivant en Amérique latine, notamment au Mexique, au Pérou et en Uruguay, ont été victimes de harcèlement et de violence sur leur lieu de travail.
Ces chiffres choquants ont été révélés dans un nouveau rapport publié par le département médias, divertissement et arts d’UNI Global Union en collaboration avec la Fédération internationale des acteurs (FIA).
En réponse à l’enquête conjointe d’UNI et de la FIA, 87 % des femmes ont déclaré avoir été victimes de violence ou de harcèlement sur le lieu de travail, chiffre qui monte à 95 % chez les travailleur·euses trans et non binaires. 70 % des hommes ayant répondu à l’enquête ont déclaré avoir également été victimes de violence et de harcèlement au travail.
37 % des personnes interrogées dans l’ensemble de la région ont déclaré avoir été harcelées sexuellement au travail, ce chiffre atteignant 54 % au Mexique. Au Pérou, 65% des travailleur·euses de l’industrie ont déclaré qu’iels avaient peur ou hésitaient à se rendre au travail parce qu’iels ou quelqu’un de leur équipe avaient été harcelé·es ou avaient vécu une situation violente.
81% des femmes ont également déclaré avoir fait l’expérience de "micro machisme" sur le lieu de travail (contre 26% des hommes), ce qui signifie qu’elles ont été confrontées à "des attitudes bien ancrées de supériorité masculine et à des incidents quotidiens de comportements machistes normalisés."
"J’ai été invitée à ‘me retirer’ de deux comédies au milieu des répétitions parce que j’étais enceinte", a rapporté une interprète anonyme, tandis que d’autres ont rapporté que des producteurs leur ont fait des avances en échange de leur sélection pour un rôle.
Le rapport a été établi à partir des réponses de 1 423 personnes travaillant dans sept pays d’Amérique latine, dans les secteurs du spectacle vivant, de l’audiovisuel et des médias.
53% des participant·es à l’enquête travaillent dans le cinéma, 39% dans le théâtre et 36% dans la télévision. Les autres viennent de la publicité, de la radio, de la danse, du cirque et des spectacles de marionnettes.
Le cirque et les marionnettes sont les secteurs où le harcèlement sexuel est le plus fréquent : 50 % des répondant·es provenant de ces industries déclarent en avoir été victimes. Les travailleur·euses du secteur des marionnettes ont également rapporté les niveaux les plus élevés de limitation de carrière pour cause de maternité ou de paternité (39% des répondants), suivis par le cinéma (34%). Les carrières des femmes étaient de loin les plus touchées par la parentalité (36%), par rapport aux hommes (19%) et aux travailleur·euses trans et non binaires (16%).
Parmi les recommandations formulées à la fin du rapport figurent le renforcement de l’éducation et la formation, de la sensibilisation, de la médiation et de la prévention, ainsi que la constitution de groupes spécialisés composés de "professionnel·les sensibles et averti·es" pour aider sur les plateaux et autres lieux de représentation.
"Il s’agit d’une enquête très importante qui concerne plusieurs pays d’Amérique latine et qui nous donnera les connaissances nécessaires pour comprendre et affronter la violence et le harcèlement sur le lieu de travail", déclare Sonia Santana, présidente de Sindcine Brasil et vice-présidente du département médias, divertissement et arts d’UNI Amériques. "Il y a toute une culture machiste en Amérique latine qui doit être combattue. Identifier les formes de harcèlement est une façon de le faire."
Alicia Dogliotti, présidente de SUA Uruguay et vice-présidente de la FIA, ajoute : "La violence contre les femmes et les professionnel·les trans et non binaires prend de nombreuses formes dans l’environnement de travail : harcèlement, harcèlement sexuel, ségrégation, discrimination salariale, restrictions à l’embauche, plafond de verre, pour n’en citer que quelques-unes. Nous avions besoin de toute urgence d’un diagnostic clair et précis afin de promouvoir et d’adopter des politiques spécifiques. Nous trouvons dans cette enquête un bon outil pour un tel diagnostic et la création de réseaux essentiels pour générer des conditions de travail meilleures et plus équitables et, comme l’indique le rapport lui-même, pour construire des lieux de travail sûrs, dignes, égalitaires et respectueux de la diversité."
L’étude complète et les résultats sont disponibles sur le site de la FIA ici.