Il n’existe pratiquement aucun pays dans le monde sans théâtre ou spectacle vivant et la plupart des affiliés de la FIA ont construit au fil du temps une solide juridiction dans le secteur du spectacle vivant. Des institutions financées par l’Etat aux théâtres commerciaux, en passant par les spectacles de tournée, le cirque, la variété et les productions immersives jusqu’au travail coopératif et au théâtre de rue, des centaines de milliers d’artistes-interprètes dans le monde montent sur scène quotidiennement pour exprimer leur art face à un public et pour gagner leurs vies. Il est donc essentiel pour nos membres de partager leurs expériences et meilleurs pratiques sur les tendances, développements et défis ayant un impact sur la capacité de leurs membres à travailler en toute sécurité, construire une carrière durable et toucher un revenu décent de leurs activités artistiques.
Les restrictions sanitaires s’allégeant et les espaces publics réouvrant suite à la crise globale menaçant la viabilité du secteur du spectacle vivant, les dirigeants des syndicats d’artistes-interprètes de 27 pays se sont rassemblés le 30 mars 2022 pour examiner l’impact de la pandémie sur la subsistance des artistes-interprètes mais aussi, de façon plus importante, pour décrire les conséquences à long terme de la pandémie sur la négociation collective, mesurer le rythme de la reprise et échanger sur les futurs défis.
De nombreux syndicats sont parvenus à nouer un dialogue constructif avec les employeurs pour ajuster leurs accords et permettre davantage de flexibilité dans les conditions d’engagement, de façon à permettre la résilience du secteur en cette période difficile. Ils ont plaidé avec acharnement pour des mécanismes exceptionnels de reprise et d’aide aux revenus, le remodelage des régimes de chômage et la mise en œuvre d’arrangements en termes de congés et de chômage partiel. Ils ont également tenté de sauver des emplois et d’aider à protéger les artistes-interprètes des ravages du chômage de long terme.
Les syndicats sont également parvenus à tirer le meilleur parti de la situation pour avancer sur d’autres questions, publiant des lignes directrices pour les membres réalisant des self-tapes pour des auditions, développant des outils pour améliorer les opportunités de leurs membres sous représentés lors des castings, négociant de nouveaux protocoles innovants en matière de santé et sécurité, négociant également de nouveaux termes de rémunération pour le streaming de spectacles vivants et promouvant des réformes profondes pour adapter la sécurité sociale et les régulations fiscales aux modèles d’emploi irréguliers de notre secteur.
Alors que la situation revient progressivement à la normale, ou plutôt à un nouveau normal, le chemin vers la reprise sera probablement long et ardu pour le secteur et en particulier pour les théâtres commerciaux qui, reposant moins sur les financements publics, ont lutté pour survivre. L’exode des talents a été incroyable, puisque des milliers d’artistes-interprètes ont quitté la profession pour chercher des possibilités de revenus ailleurs. De nombreux pays expérimentent un goulot d’étranglement en matière de production, avec des spectacles en suspens pendant la pandémie remplissant maintenant la plupart des lieux de spectacle et laissant peu ou pas de place aux nouvelles productions. Trouver un premier emploi pour un étudiant fraichement diplômé dans l’industrie est aujourd’hui incroyablement difficile. Les spectateurs ne sont plus aussi nombreux qu’avant les confinements et sont réticents à prendre des abonnements saisonniers, préférant les ventes de dernière minute. Les scènes théâtrales telles que Broadway ou le West End qui sont traditionnellement prévues pour répondre aux besoins de vastes publics internationaux continuent de souffrir des conséquences des restrictions de voyages, alors que les gens ne semblent pas encore prêts à envisager de longs voyages dans des transports publics confinés. Avec l’inflation plafonnant à des niveaux sans précèdent, la stagnation des salaires et la chute du pouvoir d’achat, le public est devenu plus sélectif et doit souvent faire face à des choix difficiles en matière de réduction des coûts qui se traduisent souvent par le sacrifice d’activités non essentielles.
La transition vers une nouvelle réalité façonnera le travail que les artistes-interprètes et leurs syndicats devront entreprendre. S’en accommoder deviendra difficile à la longue, puisque les artistes-interprètes ont payé un lourd tribut tout en aidant l’industrie à rester à flot. La plupart d’entre eux n’ont pas bénéficié des aides que les pays n’ont pas attribué au secteur culturel de façon substantiel. Si joindre les deux bouts dans le spectacle vivant était déjà difficile avant la pandémie, c’est devenu bien pire aujourd’hui. La durabilité du secteur du spectacle vivant ne peut être atteinte au détriment des artistes-interprètes et les rémunérations seront vraisemblablement au centre des préoccupations maintenant que les rideaux se lèvent pour de bon.