Irish Equity gagne la bataille législative pour la négociation collective au nom des artistes-interprètes indépendants en Irlande !

Droits du travail et négociation collective EuroFIA Actualités

Le 31 mai 2017, le Parlement irlandais a adopté une nouvelle modification de la loi sur la concurrence qui a pour but d’introduire des exemptions au droit de la concurrence pour certains travailleurs indépendants. Ceci est une avancée majeure pour les syndicats d’artistes-interprètes puisqu’elle redonnera aux artistes-interprètes indépendants irlandais le droit à la négociation collective. La FIA se réjouit de cette victoire historique et félicite Irish Equity pour son travail exceptionnel. Pour mieux comprendre les différentes étapes qui ont amené à l’adoption de cette loi, nous avons demandé à Karan O’Loughlin, Organisatrice chez Irish Equity, de nous donner un aperçu chronologique de cette longue bataille.

En 2004, l’Autorité de la Concurrence irlandaise publiait une décision qui définissait les acteurs indépendants fournissant des services de voice-over pour des productions publicitaires comme des « entreprises » et les Syndicats/Organisations négociant pour eux comme des « associations d’entreprises » au sens de l’Article 4 de la Loi sur la Concurrence, définissant de ce fait ces négociations comme une entente – contraire à la Loi sur la Concurrence.

L’Autorité a insisté pour qu’Irish Equity annule toute convention collective négociée sur les tarifs/prix ayant été approuvée entre Irish Actors Equity et l’Institute of Advertising Practitioners in Ireland. 

En bref, cette décision a eu le double effet de :

1.      Invalider l’accord collectif sur les tarifs qui avait été négocié entre Irish Actors Equity et l’Institute of Advertising Practitioners in Ireland.

2.      Empêcher toute autre négociation collective d’avoir lieu pour cette catégorie de travailleurs, pour les musiciens indépendants qui étaient membres de la Musicians Union of Ireland (SIPTU) et les photographes/journalistes indépedants membres de la National Union of Journalists (NUJ).

Les syndicats impliqués ont mené une campagne politique contre cette décision et un engagement a été pris de la part du gouvernement de 2006 dans le Cadre Décennal d’Accord de Partenariat Social 2006 intitulé « Vers 2016 », pour que la législation à venir sur ce sujet permette la négociation collective pour ces catégories de travailleurs. L’effondrement économique qui a suivi en 2008 a néanmoins occasionné un changement de gouvernement et a sorti cette question de l’agenda politique.

Depuis, les syndicats ont essayé de résoudre cette question en créant des systèmes de négociation collective pour ces travailleurs vulnérables. Le nouveau gouvernement élu a considéré initialement qu’il était empêché de traiter cette question par la Troika mais un échange de correspondance entre l’Irish Congress of Trade Union (ICTU) et la Troika a démontré que ce n’était pas le cas et les syndicats ont donc continué à plaider pour une législation corrective.

En décembre 2014, le cas – FNV Kunsten Informatie en Media v Staat der Nederlanen (C-413/13) – a été renvoyé à la Cour d’Appel aux Pays-Bas, suite à une plainte de la Fédération Syndicale Néerlandaise FNV. FNV estimait que l’Autorité de la Concurrence Néerlandaise avait jugé à tord que leur accord collectif était contraire à la Loi sur la Concurrence, ayant admis que les musiciens indépendants concernés étaient des « entreprises »  impliquées dans une entente, plutôt que des travailleurs négociant collectivement. Ce cas était très similaire à la décision de 2004 de l’Autorité de la Concurrence irlandaise, concernant les acteurs indépendants de voice-over.

La Cour d’Appel a jugé qu’il n’était pas correct de définir les travailleurs comme des entreprises sous la Loi de la Concurrence uniquement du fait de leur statut d’ « indépendant ». 

En janvier 2015, David Begg, Secrétaire Général de ICTU a écrit à Isolde Goggins, le Président de la Commission sur la Concurrence et la Protection du Consommateur demandant à ce que la décision de l’Autorité de Compétence soit revisitée eu égard au jugement néerlandais. Cette demande a été rejetée car la Commission sur la Concurrence et la Protection du Consommateur ne voyait aucune pertinence dans le jugement néerlandais quant à la situation irlandaise.

En janvier 2016 (juste avant les élections générales) la Sénatrice Ivana Bacik a repris un projet de loi qui avait échoué en 2012 et l’a renommé la Loi (modifiée) sur la Concurrence 2016. Cette Loi s’efforçait de délimiter les applications de la Loi sur la Concurrence de 2002 pour les syndicats et les membres de syndicats et pour certains accords négociés avec les organismes publics. Les syndicats ont appelé tous les partis politiques à soutenir cette démarche.

Cette loi est passée au Seanad le 20 janvier 2016 avec le soutien de tous les partis. Le Ministre de l’époque, Richard Bruton, bien qu’attentif à Droit Européen de la Concurrence, a soutenu la Loi et a convenu qu’il était temps de se pencher de nouveau sur la question de la protection des travailleurs les plus vulnérables.

Pendant ce temps, une plainte a été déposée par ICTU auprès de l’OIT demandant à examiner ce cas comme une violation de l’Article 2 de la Convention de l’OIT No. 87 sur la Liberté d’Association et la Protection du Droit d’Organisation. Cette convention ayant été ratifiée par l’Irlande en 1955. 

Lorsque interrogé par l’OIT pour savoir pourquoi il n’avait pas respecté son engagement auprès des syndicats dans le cadre de « Vers 2016 », la position du gouvernement a été de dire que la Commission européenne les avait informé qu’une dérogation à la loi sur la concurrence en Irlande ne serait pas compatible avec la Loi européenne de la concurrence, sans qu’aucune preuve ne soit soumise.

Une autre plainte auprès du Comité Européen des Droits Sociaux quant à l’absence de négociation collective pour ces catégories de travailleurs a également été rédigée et soumise en 2016.

L’élection générale en Irlande a mené au pouvoir un gouvernement de minorité. Ceci, combiné à une action de lobbying organisée et persistante à l’échelle nationale par les syndicats, de même que les plaintes auprès de l’OIT et du Comité Européen des Droits Sociaux, a créé une opportunité unique pour un changement. La Loi (modifiée) sur la Concurrence 2016 a fait l’objet d’un changement significatif mais a fait son chemin avec succès dans le système législatif irlandais.

La loi a été adoptée le 31 mai de cette année en Irlande (effective à partir de 1er septembre 2017) et s’appelle dorénavant la Loi (modifiée) sur la Concurrence 2017. Elle prévoit que la Section 4 de la Loi sur la Concurrence de 2001 ne s’applique pas à la négociation collective et aux accords en ce qui concerne une certaine catégorie de travailleurs indépendants. Cette catégorie de travailleurs est identifiée comme étant les acteurs engagés comme acteurs de voice-over, les musiciens engagés comme musiciens de studio et les journalistes engagés comme journalistes indépendants.

La Loi permet également aux syndicats de faire une demande auprès du Ministère pour ajouter d’autres catégories de travailleurs à la liste des catégories exemptées, dans la mesure où l’ajout de ces catégories n’aurait pas ou peu d’impact sur la concurrence dans le secteur dans lequel ils travaillent. 

Auteur: Karan O’Loughlin

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