Rolf Rembe (à gauche) dans le bureau FIA de Londres
Rolf Rembe a quitté la scène, discrètement et sur la pointe des pieds. Une scène qu’il aimait pourtant follement et qui était devenue toute sa vie. Voué à une carrière dans l’enseignement ou le journalisme, c’est finalement sa passion pour le monde du théâtre et du spectacle qui lui ouvrit grand les yeux sur les conditions déplorables des comédiens en Suède et le monde entier dès la fin des années ‘50. Animé par une profonde soif de justice sociale, il ne resta pas les mains croisées et s’engagea aussitôt dans le syndicat des travailleurs du théâtre suédois, pour en prendre rapidement les reines en tant que premier secrétaire général permanent. Il lui insuffla un vent de renouveau et sut le transformer en peu de temps pour en faire une organisation dynamique et militante. Sous son leadership, les comédiens suédois prirent pleinement conscience de leur professionnalisme et s’engagèrent collectivement pour revendiquer leurs droits sociaux et économiques et bâtir ainsi un meilleur avenir pour les générations futures.
Tout en n’étant pas juriste ni comédien, Rolf était toutefois un homme intègre et un syndicaliste résolu qui allait toujours au bout de ses convictions. Contre toute attente, il sut diriger en 1963 une des plus longues grèves du milieu syndical dans notre secteur : ainsi, après avoir croisé leurs bras pendant 111 jours, les comédiens suédois eurent gain de cause, obtenant de la télévision publique une convention collective améliorant sensiblement leurs conditions de travail.
Mais Rolf était aussi un internationaliste convaincu. Il comprit immédiatement que les défis auxquels étaient confrontés les artistes-interprètes ne se limitaient pas aux frontières nationales et qu’un engagement sérieux pour la reconnaissance de leurs droits et libertés fondamentales ne pouvait faire l’impasse de l’action internationale. C’est donc avec entrain qu’il porta son syndicat au cœur même de la FIA, fédération dont il assuma la vice-présidence de 1964 jusqu’à 1968. Alors même que de nouveaux développements technologiques bousculaient profondément notre secteur, il sut défendre avec force l’idée que toute exploitation du travail des artistes, y compris de leurs interprétations enregistrées, devait se traduire par une juste rémunération. C’est bien à cette époque que la communauté internationale s’est accordée pour reconnaitre aux artistes-interprètes des droits de propriété intellectuelle s’apparentant aux droits des auteurs. Un combat que la FIA a mené avec détermination et auquel Rolf a fortement contribué.
Appelé à assumer le rôle de Secrétaire général de la FIA de 1968 jusqu’à 1973, puis une fois de plus de 1983 à 1992, Rolf œuvra inlassablement pour élargir le champ d’action de la FIA et bâtir une collaboration durable entre la fédération et l’UNESCO, l’OIT et l’OMPI, afin de promouvoir et protéger le statut social, économique et moral des artistes interprètes par le biais de normes internationales contraignantes. En pleine guerre froide, alors même qu’un rideau de fer traversait l’Europe et que les déchirures idéologiques n’épargnaient pas le monde syndical, Rolf ne cessa de croire que la FIA se devait de porter assistance à tout artiste interprète, sans exception, et se battre avant toute chose pour leur permettre de vivre librement et dignement de leur métier. C’est grâce à cette conviction, que la FIA parvint à rassembler les syndicats des acteurs aux États-Unis et en Union Soviétique au début des années ’70 mais également à soutenir la création d’un syndicat d’acteurs en Afrique du Sud pendant les pires années de l’Apartheid ou aussi bien à soutenir les artistes Chiliens fuyant la dictature de Pinochet. La main de Rolf a façonné une grande partie de l’histoire de la FIA et il a ressenti une grande responsabilité pour remémorer et documenter cette histoire. Aujourd’hui plus que jamais, nous chérissons les comptes rendus détaillés qu’il a rédigés sur le travail de la FIA à cette époque tumultueuse, ainsi que les entretiens qu’il a menés au cours de ses dernières années et que nous sommes fiers de partager à la rubrique Histoire de la FIA de notre site web.
Tout ceci, et bien plus encore, fut le fruit du travail d’un homme discret, qui n’aimait pas se trouver sous les projecteurs, préférant qu’ils mettent plutôt en valeur les artistes et qu’ils éclairent leurs légitimes revendications.
Aujourd’hui, le rideau s’est fermé et nos cœurs sont en berne. Mais nous ne pouvons que prouver une immense gratitude pour ce grand homme, qui a fait de la cause des artistes-interprètes le travail de toute une vie.
Cher Rolf, tu n’aurais probablement pas voulu que nous parlions de toi sans retenue. Sache que nous portons tous en nous un petit morceau de toi dans nos cœurs. Pour cela, et pour tout le reste, nous te remercions, cher camarade et ami.
Au revoir et bon vent.