La FIA est en deuil. Nous vivons un moment sombre et nos esprits sont en berne. Catherine Almeras, pionnière de l’internationalisme syndical et de la lutte pour préserver et promouvoir les droits des artistes-interprètes n’est plus. Elle ne nous a pas quitté : elle ne l’aurait jamais fait. Nous étions sa famille et elle était, à bien des égards, notre sœur. Bien après son départ à la « retraite », motivée surtout par son souhait de faire place aux plus jeunes qu’elle, son esprit toujours vif et de nature curieux la poussait à s’informer de tout ce qui la passionnait, partageant ses trouvailles avec notre fédération, nous alertant de tout ce qui pouvait encore affiner notre travail – que cela concerne les artistes-interprètes en France ou partout ailleurs. Car elle avait soif, Catherine : soif de justice, soif d’équité et de partage des connaissances. Soif de tout ce qui aurait pu améliorer les conditions et les droits des artistes-interprètes qu’elle aimait tant. Cette soif l’avait d’ailleurs poussée à s’engager corps et âme dans la lutte syndicale très tôt dans sa vie professionnelle, sacrifiant ainsi une grande partie de sa carrière artistique.
Véritable bastion de la FIA, cette petite abeille ouvrière n’avait de cesse d’œuvrer pour les autres. De nature discrète et fuyant les gros projecteurs, elle était généreuse, attentive à chaque détail et ne manquait pas de se faire entendre, avec franchise et sans équivoques, dès que ses limites étaient atteintes. Au sein de la FIA, elle travaillait sans relâche et avec beaucoup de perspicacité pour que l’action internationale soit solidement assise sur un consensus : face à des régimes juridiques et des traditions syndicales souvent très différents, elle savait chercher le compromis qui permette à notre fédération de s’unifier et de parler d’une seule voix, pour autant que cela n’empiète pas sur les acquis des artistes-interprètes en France, dont elle restait le garant farouche. Mais elle restait modeste et elle aurait sans doute objecté à ce qu’on lui dresse un éloge quelconque. Même à titre posthume.
Catherine fut un pilier de notre fédération, dont elle assuma la Vice-présidence pendant plusieurs mandats consécutifs. Elle était fière de la FIA, de notre action militante, de nos origines et de notre histoire. Elle insuffla d’ailleurs un travail minutieux de reconstruction pour la préserver de l’oubli, afin qu’elle soit d’inspiration aux générations futures. Citoyenne française et du monde, elle affectionnait tout particulièrement l’Afrique et l’Amérique latine, deux continents ou l’engagement des artistes-interprètes a souvent fait barrage avec courage aux pires dictatures, contribuant à soutenir la démocratie ainsi que la résistance de la société civile. Elle y voyagea souvent, tant avec la FIA qu’à titre personnel, pour s’enrichir de toute la diversité culturelle y foisonnant et pour offrir à ses paires, avec humilité, tout conseil et orientation dont elle était capable. Elle adorait la langue française et elle s’était engagée, avec ténacité, pour apprendre d’autres langues encore, consciente du fait que cela lui permettrait non seulement de mieux apprécier les cultures du monde mais également de mieux comprendre l’origine et les nuances des défis auxquels étaient confrontés les artistes qu’elle croisait sur son chemin. C’est cette même diversité qu’elle encourageait sans cesse au sein de la FIA, sachant que le combat syndical international ne pouvait que se nourrir de ces différences.
Trapéziste amateur, Catherine savait aussi voltiger avec aisance et professionnalisme, passant du Conseil d’Administration du Festival de Cannes, où son syndicat représente la FIA depuis des décennies, à l’Organisation Mondiale pour la Propriété Intellectuelle, où plusieurs conventions multilatérales ont permis d’accorder aux artistes-interprètes du monde entier une protection vitale. C’est d’ailleurs pour clôturer ce volet qui lui tenait tant à cœur, à savoir la ratification par l’Union européenne du Traité de Beijing de 2012 sur les Interprétations et Exécutions Audiovisuelles, qu’elle aurait volontiers partagé sa meilleure bouteille de Bordeaux avec « les copains » : hélas, elle aura tiré sa révérence avant que ce soit chose faite.
Qu’il s’agisse de leurs droits sociaux, de propriété intellectuelle ou de leurs libertés fondamentales, Catherine n’avait de cesse de militer pour que les artistes puissent vivre dignement de leur métier, être reconnus en tant que travailleur·uses à part entière. Au sein de l’ADAMI, du SFA, « son » syndicat, ou encore d’UNIFRANCE, du CNC, de la Coalition pour la Diversité Culturelle, et bien d’autres organismes encore, elle aura laissé son empreinte et contribué à bâtir une société plus inclusive et équitable. Au sein de la FIA, elle aura tout simplement été un moteur déterminant.
Ta tignasse un peu rebelle et ton esprit caustique nous manqueront et il sera difficile de concevoir un monde sans toi. Mais tu nous as laissé ton sourire, ta franchise… et le fruit de ton travail inlassable. A nous d’en faire le meilleur usage et de marcher dans tes pas pour continuer ta mission. Merci Catherine. Merci camarade.